PACTE VERT ET FARM TO FORK: La stratégie de l’UE, une trajectoire « réaliste » pour l’agriculture (Iddri).

by Delphine Jeanne • Terre-net Média

Menée par le Centre commun de recherche de la Commission européenne, l’étude d’impact de la stratégie européenne Farm to Fork, conclut à des baisses de production allant jusqu’à 15 %, une augmentation des importations et un renchérissement des coûts de l’alimentation. Cependant, pour l’Iddri, une partie de la stratégie n’a pas été prise en compte dans l’analyse, ce qui biaise les résultats. Pour l’institut, une approche plus systémique « permet au contraire de renforcer la pertinence, la cohérence et le réalisme de la stratégie de la Commission ». (Article mis à jour, publié initialement le 19 octobre 2021)

Rendue publique en août dernier, l’étude d’impact de la stratégie européenne « De la fourche à la fourchette » (F2F), réalisée par le JRC (Centre commun de recherche de la Commission européenne), conclut à une baisse de la production agricole européenne, à une augmentation des prix alimentaires, et à une hausse des importations, ces dernières annihilant aux deux tiers les efforts européens de réduction des gaz à effet de serre.

Néanmoins, rappellent les chercheurs de l’Iddri, l’Institut de développement durable et des relations internationales, aujourd’hui, « les outils classiquement utilisés en étude d’impact sont conçus pour évaluer un changement marginal du système via une approche en équilibre de marché : une nouvelle réglementation, un renchérissement du coût des intrants, un nouveau droit de douane, etc. ». La méthodologie s’avère donc inadaptée à l’étude d’une stratégie aussi globale que F2F, qui a l’ambition de changer structurellement le système alimentaire européen, explique l’institut dans un billet de blog publié le 13 octobre.

Des effets négatifs compensés par les effets positifs

Ainsi, l’étude d’impact du JRC (tout comme celle du département américain de l’agriculture, l’USDA), se focalise essentiellement sur les conséquences de la réduction des intrants. Pour mémoire, la stratégie F2F prévoit une diminution de – 50 % sur l’usage des pesticides et les antibiotiques en élevage, – 20 % sur les intrants azotés, et des taux de 10 % d’infrastructures agroécologiques et 25 % d’agriculture biologique d’ici 2030. Le JRC conclut à une baisse de production allant de – 7 % à – 15 %, et à une augmentation des prix alimentaires.A lire aussi >> Green Deal et baisse de production : les États-Unis agitent le spectre de la faim mais craignent pour leurs exports

Or, les autres changements envisagés par la Commission peuvent annuler ces effets négatifs mis en avant par les études. La végétalisation des régimes alimentaires, visée par F2F, « pourrait compenser intégralement l’effet sur les volumes d’une réduction de l’usage d’intrants chimiques en Europe », explique l’Iddri qui a modélisé un scénario de système alimentaire plus ambitieux, permettant de faire passer l’Union européenne du statut d’importateur net de calories et de protéines à celui d’exportateur net, malgré les baisses de production.

Les changements de pratiques agronomiques et l’innovation ne sont pas non plus bien évalués dans l’étude d’impact, estime l’institut. Ainsi, « la réintroduction des légumineuses en rotation comme l’optimisation de l’efficience d’usage de l’azote pourraient par exemple partiellement compenser la réduction de 20 % des intrants azotés. De même, l’allongement et la diversification des rotations, comme le redéploiement des infrastructures agroécologiques, favorisent une meilleure gestion de l’enherbement et des parasites, ce qui permet de réduire l’usage de pesticides avec un impact bien moindre sur les rendements que ce qui est envisagé », précise l’Iddri. Et ce, d’autant plus que l’usage trop intensif d’intrants chimiques a également, à long terme, des conséquences négatives sur la productivité des sols, ce qui n’est pas pris en compte dans l’étude d’impact.  

« Rappelons que le but affiché par la Commission européenne avec cette stratégie systémique qu’est la F2F est d’assurer la compétitivité et la résilience futures de la Ferme Europe », insiste l’Iddri, pour qui l’innovation restera la clé « pour assurer la diversification des systèmes et leur sobriété en intrants », dans un monde marqué par l’instabilité climatique et la variabilité importante du prix des intrants.

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